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Armand à Paris le week-end prochain... je n'arrêtais pas de me répéter cette petite phrase. On allait se revoir, seuls, on aurait un week-end entier pour nous! Oui mais, le week-end, en principe je voyais Laurent... il me fallait donc trouver un prétexte pour ne pas le voir, un joli mensonge bien ficelé, invérifiable de préférence, ce qui excluait d'emblée l'excuse "boulot" vu que Laurent connaissait très bien mon patron! Exit l'excuse "mariage de la cousine" ou "enterrement de la grand-tante" car il aurait été logique que Laurent m'y accompagne, exit également le prétexte "soirée entre copines" car Laurent en connaissait la plupart... cogitation, réflexion intense, en fin de compte j'ai fait au plus simple : étant donné que je passais la semaine au boulot et le week-end chez Laurent depuis maintenant 4 mois, je lui ai tout simplement dit que j'avais envie d'aller passer le week-end à la campagne, chez mon colocataire, car ça faisait un bon moment que je n'y avais pas mis les pieds. Excuse ficelée, totalement invérifiable dans la mesure où mon coloc passait réellement le week-end dans sa maison de campagne, sans téléphone. Et voilà un joli petit mensonge de dernière minute qui me laissait le week-end de libre pour aller joyeusement fauter! Armand devait arriver le samedi après-midi, j'ai donc pris un train le matin et suis allée l'attendre dans un café près de la gare. A vrai dire je n'en menais pas large, mes yeux balayaient les alentours à toute vitesse car je n'avais qu'une crainte : croiser Laurent! Oui je sais Paris est grand, ce n'est pas un petit village de campagne, mais avec la loi de Murphy, on sait jamais... J'ai attendu une heure dans ce café... et Armand est arrivé. J'ai failli renverser la table tant je me suis levée vite, j'étais tellement contente de le revoir! Et puis, ça me semblait incroyable qu'il soit là, devant moi, qu'il me serra dans ses bras, qu'il me prenne la main. Nous n'avons pas traîné, nous avons filé à l'hôtel et... bon, je vous passe les détails, votre imagination peut très bien inventer la suite ;-) Nous avons passé l'après-midi au lit; comme c'était doux et agréable d'être à nouveau ensemble, loin de tout, dans ce petit hôtel anonyme qui abritait notre péché! Il a quand même fallu sortir du lit pour aller manger, c'est que ça donne faim ce genre de sport! Après le resto, nous avons marché, longtemps, dans les rues de Paris. Il faisait froid mais nous nous réchauffions l'un l'autre. Moment magique que celui-là, cette longue balade dans Paris by night avec mon amant me semblait me semblait la chose la plus merveilleuse du monde. Laurent a appelé, j'avais peur qu'il entende le bruit des voitures, j'étais quand même censée être à la campagne! J'ai menti du mieux que je pouvais, essayant d'être naturelle, et j'ai fini sur un "je t'aime". Là, j'avais honte, j'avoue, mentir ainsi de sang froid à Laurent qui me croyait à la campagne alors que j'étais à quelques centaines de mètres de chez lui (nous étions dans son quartier en plus!) avec mon amant, c'était franchement vaudevillesque!

Les sms ont repris, les petis coups de fil aussi. Je vivais sur mon petit nuage, dans l'euphorie de notre secret, et j'avais presque du mal à paraître "normale" auprès de mes amis, de mon patron... et de Laurent! En semaine, ça allait, j'allais bosser, j'avais l'esprit occupé par le boulot, les paperasses, mes amis, ma vie... mais le week-end, c'était vraiment dur! J'allais chez Laurent, on se retrouvait le vendredi soir ou le samedi matin selon mes horaires, et on passait presque 48 heures ensemble. Pendant deux jours, nous vaquions au quotidien, nous vivions la routine des vieux couples alors que nous n'étions ensemble que depuis trois mois. Et moi, pendant ce temps, je ne pensais qu'à Armand, les bras d'Armand, la bouche d'Armand... les textos arrivaient, j'allais me cacher aux toilettes pour les lire, mon portable était toujours dans ma poche, je ne m'en séparais jamais. Discrétion absolue, je ne voulais pas que Laurent puisse avoir le moindre soupçon, je savais que son ex l'avait trompé et qu'il avait remué ciel et terre pour la piéger. Il était très fort au petit jeu de l'espionnage, il allait même jusqu'à mettre des micros chez lui... J'étais prise entre deux feux, Armand d'un côté, Laurent de l'autre. Armand, l'aventure, la folie de notre histoire, sa douceur aussi... et Laurent, la routine, la sécurité du couple, la vie qu'on envisageait bientôt ensemble. Par honnêteté envers moi-même je ne pouvais pas rester avec Laurent, j'étais incapable d'avoir une double vie, je ne voulais pas risquer de le faire souffrir. Je résonnais à l'envers : au lieu de quitter Armand qui de toute façon ne m'apporterait jamais rien de sérieux, je songeais à quitter Laurent. "Quitter la proie pour l'ombre", combien de fois me suis-je répétée cette phrase? Je n'aimais plus Laurent, tout m'ennuyait chez lui, ses manies, son discours, son ex à qui il avait laissé les clés de l'appartement et qui venait fouiller dans mes affaires en semaine. Je ne l'aimais plus, mais j'essayais de l'aimer quand même, car je voulais y croire, je voulais croire qu'Armand n'était qu'une passade, un fantasme, que je me lasserais vite de lui. J'essayais de me persuader que j'aimais réellement Laurent et qu'il était l'homme de ma vie.
Les semaines passaient, je continuais mon train-train : maison, boulot, Laurent... jusqu'à ce qu'Armand m'annonce qu'il serait à Paris un week-end.

Je suis donc rentrée chez moi, seule. Après ces trois derniers jours, c'était difficile de me retrouver toute seule, sans personne à qui me confier. Les amis que j'avais à l'époque connaissaient presque tous Armand, donc impossible d'en parler. J'étais seule avec ce secret, seule avec mes pensées, ma joie et mon remords, et j'avoue que c'était dur.
Armand a tenu sa promesse, il a appelé dès qu'il s'est posé. Coup de fil express car sa femme allait arriver d'un moment à l'autre, mais j'étais tellement heureuse d'entendre sa voix! C'était bizarre, on ne savait pas vraiment quoi se dire, on était si loin de l'autre, alors que le matin même... Des centaines de kilomètres nous séparaient à présent, nous savions que nous aurions l'occasion de nous revoir dans le cadre de mon travail, mais les occasions seraient rares, et nous ne serions pas seuls! Seule solution, trouver des excuses chacun de notre côté pour arriver à se retrouver de temps en temps. Voilà, nous venions de nous quitter et nous pensions déjà à la prochaine fois, nous réfléchissions déjà à un lieu, une date... et un prétexte! Ce coup de fil m'a rassurée, ainsi nous allions nous revoir, ce n'était pas juste une histoire de quelques jours. Bien sûr je savais que je ne devais rien attendre, qu'il ne pourrait jamais rien sortir de sérieux de cette histoire... mais la simple promesse d'une prochaine fois me suffisait. Oui l'attente serait longue entre deux rendez-vous, mais ne dit-on pas que "le retour fait aimer l'adieu"?
Sa femme est arrivée, il a raccroché assez vite... et j'ai commencé à attendre.

Toutes les bonnes choses ont une fin, et pour Armand il était temps de rentrer. Sa petite femme fidèle l'attendait sagement à la maison et il devait rendre l'avion à l'aéro-club. Après 3 jours et 3 nuits de parenthèse enchantée, la vie reprenait son cours, chacun rentrait chez soi avec des souvenirs plein la tête et un nouveau sentiment appelé culpabilité. Je l'ai accompagné à l'aérodrome, ma main serrait très fort la sienne et mes yeux ne le quittaient pas. Je scrutais son visage, je voulais en retenir chaque détail, j'aurais aimé capturer son odeur et la douceur de sa peau. Armand est eurasien, il a un physique européen avec une peau caramel, des yeux verts légèrement en amande, une bouche charnue qu'on devine gourmande... et une peau incroyablement douce. Quand j'étais ado, j'ai lu et relu "L'amant" de Marguerite Duras, j'ai vu et revu le film, je ne sais pourquoi cette histoire me touchait à ce point. Un amour interdit, secret, deux amants qui ne se retrouvent que pour faire l'amour, encore et encore, comme s'ils ne savaient faire que ça, comme si le reste n'existait pas. Rien à espérer de l'avenir, seul le présent compte, peau contre peau, bouche contre bouche... J'avais l'impression de revivre cette histoire avec Armand, l'histoire de deux solitudes, de deux coupables.
Arrivés à l'aérodrome, on a sorti l'avion. Prévol, vérification de la météo et de la nav, et il était temps de se dire au-revoir. Il m'a prise dans ses bras, m'a serrée très fort, m'a embrassée, et m'a promis de m'appeler dès qu'il serait arrivé. Puis il est monté dans l'avion, s'est installé, a mis le moteur en route. L'avion a commencé à rouler, tout doucement, vers la piste. J'ai marché à côté jusqu'à la fin de la zone autorisée pour les piétons, puis je me suis accoudée à la barrière pour le regarder décoller. Alignement au seuil de piste, arrêt en attendant l'autorisation de la tour, puis plein gaz... l'avion prend de la vitesse, il s'éloigne, le nez décolle, le reste suit... et le voilà parti. Un petit battement d'ailes pour dire au-revoir, petit code entre pilotes, et déjà il n'est plus qu'un point dans le ciel. Je regarde encore, j'ai du mal à détacher mes yeux de ce petit point qui s'éloigne... et qui disparaît. Je suis restée un long moment à cette barrière, je n'arrivais pas à partir, à quitter ce terrain sur lequel tout avait commencé 3 jours plus tôt. J'avais l'impression qu'en quittant l'aérodrome, je quitterais encore Armand. Peur du retour, de rentrer chez moi, peur d'oublier et d'être oubliée, peur de me réveiller en sursaut et de me rendre compte que tout ça n'avait été qu'un rêve. Peur du lendemain, tout simplement. Mille questions, mille doutes... et cette fois-ci auncune réponse. Et si ça n'avait été qu'un simple jeu pour lui? Et s'il était juste venu pour me baiser et repartir? Et s'il n'y avait rien d'autre qu'une simple attirance physique?
J'ai fini par quitter cette barrière, ce terrain, et suis rentrée chez moi, heureuse et malheureuse. Je n'avais plus qu'à attendre son appel maintenant.

Viviane, la femme trompée qui ne se doute de rien. Une femme que j'envie et déteste alors que je la connais à peine. Elle a tout pour elle : elle est jolie, intelligente, en bonne santé, elle a un métier vraiment très très bien, elle pilote (contrairement à moi qui débute à peine!)... et elle est mariée à Armand! Pour moi, c'est le couple idéal. Ils font des tas de choses ensemble, ils ont les moyens de faire ce dont ils ont envie, ils sont très complices, aimés voire admirés par leurs amis... A première vue, rien à dire. Sauf que (ben oui c'était trop beau pour être vrai!)... Viviane n'aime pas les enfants! Elle les trouve sales, bêtes et totalement inintéressants. Un jour, elle a même dit à Armand qu'à la limite elle voulait bien consentir, peut-être, à adopter un enfant déjà grand, mais à contrecoeur. Mouais, ils vont se marrer au bureau des adoptions en voyant débarquer un couple bien portant, sans aucun problème de fécondité, qui vient adopter un enfant "déjà grand" parce que Madame n'aime pas les petits! Armand sait très bien que cette solution n'est pas envisageable, il y a tellement de couples qui désirent adopter et tellement peu d'enfants "adoptables" que le priorité ne sera jamais donnée à un couple dont la femme n'aime pas les enfants et le dit ouvertement!
Viviane est très croyante, elle va à la messe tous les dimanches, prie tous les jours... et avant de rencontrer Armand elle n'avait jamais "fauté" avec personne. D'ailleurs, même avec Armand, elle a attendu pas mal de temps avant de se décider à franchir le pas, elle ne voulait rien faire avant le mariage... mais les arguments de son fiancé ont eu raison de sa virginité! Si l'on excepte cette "faute" par anticipation, c'est la petite catholique parfaite. Vertueuse, fidèle, aimante... tout le contraire de moi!
Elle n'utilise pas de contraceptif mais a une méthode infaillible pour ne pas tomber enceinte, et visiblement ça marche... hélas pour son mari. Contradiction dans les convictions : la pilule contraceptive est désapprouvée par l'Eglise, donc elle ne la prend pas... tout en s'arrangeant pour ne pas tomber enceinte! Mariage religieux qui prône clairement la famille... et refus de maternité même pas déguisé.